Première publication : 9 juillet 2012.
C’est discrètement sous une lune glacée jetant ses lueurs sur les hautes cimes artsakhiennes qu’un fantastique subterfuge s’est déroulé : les défenseurs arméniens régulièrement visés par les snipers azéris se sont déguisés en militaires turcs en troquant leurs uniformes et leurs drapeaux arméniens avec les uniformes et drapeaux turcs. Dès l’aube, les hauts parleurs se mirent à cracher en langue azérie l’annonce triomphale de la reconquête de l’Artsakh par le Grand Frère pantouranien. Les forces azéries ne se méfiant pas de cet incroyable Kanular se jetèrent à la rencontre de leurs « cousins » libérateurs pour les congratuler. Ils furent reçus par des salves tirées en l’air et tous faits prisonniers dans les minutes qui suivirent sans qu’aucun blessé ne fût à déplorer. C’est ainsi que l’Artsakh retient à présent plus de 30 000 prisonniers azerbaïdjanais destinés aux travaux des champs et des fermes. Ils sont bien nourris et traités avec humanité. Amet Mamodov témoigne, au nom de tous ses collègues, avec des sanglots dans la voix : « Nous sommes ici mille fois mieux traités que naguère par nos cochons de maîtres qui nous infligeaient les humiliations et les corvées les plus ignobles et nous gardaient en réserve pour leur sale guerre. Surtout ne nous renvoyez pas dans notre pays! » Sur ces entrefaites Bakou a décidé de ne plus multiplier les attaques sur la ligne de cessez-le-feu dans l’espoir de faire revenir les « otages » de l’Artsakh qui se font prier ardemment mais sans résultat. « Nous resterons, disent-ils, et nous paierons par le labeur les crimes et les mensonges de nos maîtres qui se vautrent dans l’opulence… » A présent, le mot Kanular est interdit en république d’Azerbaïdjan. Son emploi est passible de lourdes peines. Il est même moins dangereux de parler de génocide perpétré par la Turquie en 1915 à l’encontre des Arméniens que de Kanular.