Première publication : 9 juillet 2012.
Le ministère de l’Information d’Ankara a décidé de faire retirer de la circulation tous les ouvrages existant dans le pays et qui seraient un tant soit peu négationnistes à l’endroit des Arméniens. Cela semble devoir être à première vue une énorme opération. Mais non! Ces ouvrages sont rares, ont été peu imprimés et sont peu lus. Tant mieux, mais là n’est pas le problème. La Turquie a besoin de papier, nous disent les officiels. La presse, quant à elle, est invitée à économiser son encre. Et tous les hommes politiques, leur salive. Que se passe-t-il en vérité? Est-il possible que l’impossible se produise? Et d’abord comment vont réagir les nationalistes du pays, et surtout les forces occultes de l’« l’État profond » connu pour être négationniste jusqu’à la moelle. C’est une révolution par le haut, une « glasnost » au quart de tour, une décision prise d’autorité, bureaucratiquement, à l’aveugle, et surtout sans aucune participation de la société dite « civile ». Celle-ci est pour le coup d’ailleurs complètement abasourdie, elle qui est déjà tenue en laisse quand elle n’est pas embastillée ou assassinée… Côté officiel, la pénurie de papier est-elle à ce point grave? Ne peut-on pas en importer d’Argentine, ce pays décidément innovant qui lance le livre éphémère? Non, personne ne croit à cette fable discrète et élégante de la pénurie. Ce revirement a d’autres causes qui se résument en une seule. La voici : La négation du génocide perpétré par une bande d’aventuriers en 1915 ne présente plus aucun intérêt. La Turquie a mieux à faire, elle passe à autre chose : les Kurdes, l’Europe, le Moyen Orient… Toute cette histoire sent le rance et bloque sur toute la ligne le pays, qui a d’autres chats à fouetter sur toutes ses frontières. Elle empêche tout le monde de respirer. Non, vraiment, ça suffit! Cette histoire n’est plus du tout rentable et tout le monde en a vraiment assez, se disent les officiels… Oui, ce génocide, eh bien, on va le reconnaître! Nota bene : Ici, à Paris, certains (toujours les mêmes) penseront que cet « autodafé » rappelant les nazis est « liberticide », et qu’il n’est pas pédagogique de supprimer ces ouvrages car la nouvelle littérature doit pouvoir s’en référer utilement pour en corriger les mensonges. Ne gênez pas la recherche, pour l’amour du ciel! Il n’y a pas eu de jugement, cette reconnaissance par la Turquie sera arbitraire. Nous, nous voulons encore réfléchir, dire notre mot : ne sommes-nous pas des spécialistes du Droit? La Turquie ne doit pas reconnaître trop vite, cela serait du travail bâclé. On n’a qu’à leur vendre du papier à bon prix et calmer les Argentins avec leur livre éphémère. Et puis, entre nous, la Turquie avec son génocide non jugé, nous on adore…