La turcophilie de Pierre Loti à l’Institut du Bosphore

Première publication : 1er mai 2013.

Le pouce glissé sous la ceinture du pantalon, l’œil vif roulant sur les embruns des cerveaux agités par le Bosphore réunis en conférence dans les salons parisiens de la rue Galilée, « le Grand » Pierre Loti est de retour. Oui, il est des nôtres, l’immortel, pas mort du tout, bien vivant au contraire. Le marin engoncé dans son habit vert orné d’or se tient debout devant l’assistance, et retient l’attention dans un silence d’outre-tombe. Il a bien blanchi sous le harnais notre spectre. Voussure et moisissure sont de mise après un séjour sépulcral en son cimetière marin. Le maître parle : « Efendiler, la Turquie, éternelle ressuscitée, se nommera bientôt Erdoganstan. Elle siègera à Bruxelles, à Strasbourg et à Berlin, âah Berlin, destination finale. Elle sera le vrai maître modéré à la poigne d’acier, phare d’une démocratie musclée, qui saura restaurer la confiance en des cœurs encore par trop méfiants et craintifs. Erdoganstan fera bonne figure : elle, pardon, il, ach l’habitude! aura bientôt sa « minorité chrétienne », un peu renforcée, étoffée, remise en état sur de nouveaux fonds baptismaux – mais pas les Grecs pontiques, ce n’est pas la peine pour eux. Pour les Arméniens, ce sera un retour en fanfare, en protocole, mais sans le tintement des cloches pour ne pas gêner les minarets, pardieu! On ouvrira les frontières et les bouches. Cela sera un vase communiquant, de quoi renforcer un peu le nombre des ouailles du Christ après le vaste « nettoyage » du Medz Yeghern, comme ils disent. L’Arménie a trop d’Arméniens et nous pas assez… » A ces paroles quelque peu solennelles et prophétiques, des mines sceptiques s’affichaient dans l’assistance mais avec l’impavidité polie que savent avoir les Français : le conférencier du jour n’allait-il pas retourner d’où il venait et ces paroles ne jamais voir un début de réalisation… Il n’est pas né encore ce fichu pays!