Première publication : 26 novembre 2013.
Lorsqu’un immense ballon dirigeable survola Erevan, personne ne put deviner ce qu’il transportait dans son ventre. Evidemment, les médias n’attendirent pas que la Vérité se fît jour pour avancer quelques théories plus ou moins fumeuses. Etait-ce l’attelage du Catastrolicos-de-Tous-Les-Arméniens emportant avec lui ce qu’il estimait devoir être sauvé, ou une cargaison de cigares de la Havane, ou bien encore une usine volante de montres de luxe de la nouvelle Union eurasienne? Jules Verne, amateur maniaque de mesures mathématiques, se trompait en croyant que la vitesse de 306 lieues par heure était suffisante pour transporter un gros chargement dans l’espace. Le dirigeable apparu au-dessus de la capitale arménienne, en revanche, ne péchait pas par manque de vitesse, mais bien par sa forme parfaitement incongrue : il épousait les contours d’un auguste personnage vêtu de noir, à la mine joviale, les mains croisées sur un ventre généreusement arrondi. Seule flottait au grand air une barbe grisonnante. L’arche volante survola bientôt le Mont Ararat, mais ne s’y échoua point, ce qui étonna tout le monde, et atteignit enfin l’Europe où elle disparut. Plusieurs objets furent retrouvés au sol : une capuche noire, une paire de lunettes de soleil à verres bruns, l’aiguille d’une montre suisse, ainsi qu’une dizaine de bagues en or massif. C’est tout ce que le Patriarche volant laissa comme souvenir.